BONNES IDÉES, MAUVAISES INSTITUTIONS… ?

Au cours de la moitié du 19ième siècle, s’ouvrit en Angleterre une école pour enfants handicapés.
Les fondateurs étaient convaincus que les fous, les idiots, les imbéciles pouvaient être éduqués….
Un fait, non une hypothèse….
Au même moment, Outre-Manche, en France, le « Père Hugo »… clamait : « fermez des prisons, vous ouvrirez des écoles ! »…
Au 20ième siècle, une autre invention magistrale, le « Traité de Rome », vit le jour, initiée par la ferme conviction des fondateurs dont Spaak, Schumann, Garibaldi, De Gaulle, Adenauer pour ne citer que les acteurs déterminants, que seule, une Europe économique et politique garantirait à jamais la concorde entre les « Etats-Nations »….
Au 21ième siècle, en 2015, que sont devenues toutes ses bonnes idées, que ce soit au plan de la santé, de l’éducation, de l’entreprise, de la politique….bref de la réhabilitation démocratique ?

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Toutes ses bonnes idées se sont engluées apparemment dans la pesanteur de la routine quotidienne apportant hélas tout, sauf la vie…
Gardons-nous tout d’abord de conclure trop rapidement que la bonne idée était trop « naïve », trop « utopique », ne tombons pas non plus dans le piège de certains « populistes » prétendant que c’est de la faute des dirigeants eux-mêmes.
Certes, nous constatons bien souvent des exemples de mauvaises gestions, d’opportunismes, voire de cynismes dans ces différents types d’institutions. Mais ils n’en sont que les symptômes mais pas la cause des pertes d’idéaux.
Car, en réalité, c’est tout l’inverse qui se produit. Je ne connais aucune institution qui a commencé par recruter des dirigeants, des « parangons » de toutes les vertus, par employer des dirigeants non motivés par la « bonne idée ».
Alors comment se fait-il que les « bonnes idées » aboutissent si souvent à de mauvaises institutions? Les facteurs extérieurs ne peuvent pas être ignorés.
Les fondateurs ont une vue charismatique et utopique, servir les gens alors que l’ Etat, le collectif, nous, n’ ont que la seule aspiration de se débarrasser des « gêneurs publics». L’Etat voudra recevoir l’assurance que l’institution qu’elle soutient financièrement réussira en prenant toute une série de mesures légales et administratives. Après tout, c’est de notre argent qu’il est question dans ce cas. Ici s’opère la mutation entre la qualité de la « bonne idée » et la « mauvaise institution », les deux n’étant plus fondés sur la qualité des relations mais sur le pouvoir de l’argent. Les successeurs de la « bonne idée » font encore leur travail consciencieusement, certains continuent à croire envers et contre tout-des grands naïfs -, d’autres lâchent prise et se fonctionnarisent-des grands prétendus réalistes et pragmatiques. Le feu sacré tend ainsi à disparaître, la conséquence en est la frustration, la déception et la trahison. on ne croit plus à l’impossible rêve, on a tout donné pour la cause de la « bonne idée » grâce aux initiateurs qui voulaient bâtir une société plus équitable et qui sont trahis par leurs successeurs.
Combien de fois n’ai-je entendu en raison de ces faits «  tout fout le camp… surtout notre argent ». mais ce qui a vraiment disparu, c’est le respect des relations, c’est le respect des différences.
Ainsi, critiquée par le collectif, toute institution risque de cadenasser ses portes, pour ce faire, elle utilisera un jargon de plus en plus hermétique et se mettra ainsi à l’abri des critiques de ceux qui oseraient encore croire à la « bonne idée ». Les conséquences de ces attitudes qui enferment dans un rôle de « dirigeant » aboutissent en fin de compte à l’idée qu’il est plus raisonnable de faire tourner la « boutique » que de perdre son temps en relation.
Plus d’une fois, il faut bien l’avouer, la « bonne idée « a abouti à une mauvaise institution et cela, de tous les temps. Un remède tout fait n’existe pas, il faut pour garder la « bonne idée » vivante et se fixer quelques buts. Au lieu de croire que l’éducation des débiles a déjà abouti avec la « bonne idée », il faudrait oser s’interroger à propos des outils qui les feraient progresser dans leur immersion sociale, au lieu de croire que tout de go une fermeture de prison constitue automatiquement l’ouverture d’ une école, il conviendrait de demander aux citoyens derrière de hauts murs barbelés les outils dont ils auraient besoin pour se réintégrer dans la société en sachant toutefois aussi qu’il y aura toujours des personnes demeurant peut-être à jamais insérables socialement, au lieu de parler de la « bonne idée » du Traité pour la Paix, il faudrait en fait ne jamais oublier le passé et s’avouer qu’à la moindre ébullition « ethnique », les frontières, les alliances passées, nos vieux démons, ressurgiront en pointillé.
En guise de conclusion, je m’en voudrais de ne pas citer ici T.S. Elliot. Il écrivait cette vérité universelle à propos de la « bonne idée » : »Allez, allez, dit l’oiseau : l’homme ne supporte guère la réalité. Le temps passé et le temps futur, ce qui aurait pu être et ce qui a été, ne mènent qu’ à une chose, qui est toujours le présent ».

Author: Jean Pierre Aussems

(1956, Eupen) aussemsjeanpierre@gmail.com LinkedIn profil: https://be.linkedin.com/pub/jean-pierre-aussems/6a/276/599